Le petit bateau en papier

Il était une fois un petit bateau en papier qui flottait dans un grand seau d’eau.

Devant lui se trouvait un glaçon.

Il s’y cogna et coula.

Il était une fois un grand bateau, fait de bois et de métal, qui flottait au milieu de la mer.

Il se retrouva face à un énorme bloc de glace.

Il s’y heurta et coula.

Il était une fois, au début des années 2000, notre société qui évoluait sur la vague du progrès et de la technologie.

Devant elle se trouvait la réalité.

Elle s’y heurta, s’effondra et brûla.

Revenons en arrière.

L’enfant ne savait pas que le bateau ne survivrait pas au cube de glace.

Le marin savait que le grand bateau ne survivrait pas au bloc de glace.

Notre société feint d’ignorer que nous ne résisterons pas au choc du progrès technique.

Revenons encore en arrière.

Les conséquences du geste de l’enfant sont insignifiantes, voire bénéfiques; car elles encouragent le jeu et l’expérience.

Les conséquences du comportement du marin sont graves.

Le progrès technique doit s’accompagner d’apprentissage et d’humilité.

Les conséquences d’une société déshumanisée sont incalculables.

Rembobinons une nouvelle fois encore.

Le papier a fini à la poubelle.

Le bateau au fond de la mer.

La société reviendra à un état préindustriel pour beaucoup et à un état technocratique apathique pour d’autres.

Le facteur humain, perçu à la fois comme un risque bien qu’aussi une richesse et une harmonie imprévisible, décline avec le temps.

L’enfant, par son geste, envoi un message de sérénité, de découverte et de joie.

Le marin succombe au besoin de performance sans tenir compte du risque et entraîne dans son voyage des individus « de tous bords ».

Une société de plus en plus contrôlée par une élite restreinte crée des peurs déguisées en compétition, supprime la sérénité et le temps de réflexion, et appauvrit les esprits.

Au printemps 2023, cinq êtres humains, enfermés dans une “boîte de thon”, ont perdu la vie au fond de la mer.

Là où ils avaient choisi de descendre, attirés par des raisons audacieuses.

L’argent, la célébrité, l’expérience probable de la vie ne pouvaient contrebalancer une technologie sans contrôle et le spectacle de la souffrance d’autrui vécue aux premières loges, mais pas en première ligne.

Pourquoi ne pas simplement s’arrêter à la surface, au-dessus du Titanic et tourner nos pensées vers la souffrance de cette nuit-là, ainsi qu’au traumatisme des morts et des survivants.

Pourquoi ne pas formuler une prière pour les âmes qui n’ont peut-être pas encore trouvé la paix et demandent le repos éternel.

N’oublions jamais que l’amour nourrit aussi ceux qui le donne.

In memoriam.

2 commentaires

  1. Dear Carlo, bella l’immagine della barchetta di carta. Sai scrivere bene ed è uns gran bella qualità.  I morti del sommergibi

  2. J’approuve , seul l’Amour et la Charité peut convenir notre monde et faire émerger la Paix

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